Être là et nulle part 

Cette semaine, entre Moscou et Irkoutsk, j’ai pris quatre trains, posé mes bagages dans cinq hôtels, traversé cinq fuseaux horaires. J’ai avalé plus de 5000 kilomètres de voie ferrée, 5000 kilomètres de paysages russes parfois monotones, parfois surprenants. 
Les trains circulent à l’heure de Moscou, dont je ne fais que m’éloigner. De façon pragmatique, mes journées n’ont fait que perdre une heure ou deux à chaque étape. Mais, ce qui s’est passé, c’est que me suis extirpée petit à petit de la réalité horaire. 

J’étais là, j’étais vraiment là. J’ai visité Ekaterinburg, Novosibirsk et Krasnoiarsk, des villes où jamais de ma vie je n’aurais imaginé m’arrêter. Je suis descendu marcher sur des quais de gares perdues dans la steppe. J’ai tout vu, tout regardé, je me suis promis de me souvenir de tous les détails. C’était bien la réalité. 

J’étais là, j’étais vraiment là. En même temps, j’ai le sentiment d’avoir expérimenté nulle part, un état second si particulier que seul ce voyage-là pouvait créer. Ne sachant jamais quelle heure il est ici, ni où est ici, ne sachant pas quand il faut manger, ni exactement quand le jour va tomber.

Mais c’est le charme de cette aventure. Là et nulle part, le jour tombe toujours et le voyage continue. 

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