Le bûcheron du bord des rails

Dans le train entre Oulan-Oude et Khabarovsk, j’ai rencontré Petrov. Lui ne faisait que le trajet entre Erophei Pavlovitch et Belogorsk, où le train allait le jeter en pleine nuit. Petrov ne parlait ni anglais, ni français, et moi toujours aussi mal le russe. Alors on a communiqué avec des petits dessins sur un carnet, et un dictionnaire. Voici ce qu’on s’est dit. 

Petrov a 40 ans, il est bûcheron indépendant, comme d’autres de ses collègues montés avec lui pour ce trajet. Il a les traits fatigués et les mains abîmées. Régulièrement, il est embauché par la compagnie des trains russes pour entretenir les bois qui sont au bord des voies de chemin de fer. « On ne fait ça que sur les tronçons Zabakalskaia et Extreme Orient, pas sur toute la ligne ! » Le premier tronçon fait 2246 km et le second 1258, tout de même. 

« Je ne sais pas à quoi sert le bois qu’on coupe. Nous, on nous appelle, on nous dit ‘venez là, coupez là’, alors on prend le train et on y va. Peut-être qu’il est donné aux employés pour qu’ils chauffent leurs maisons. » Cette nuit, Petrov et ses amis sont arrivés à 2 heures du matin à destination. Ils ont dormi dans les chambres de repos de la gare avant d’aller travailler à 7h. 

« Ce n’est pas très bien payé, mais il n’y a pas de travail fixe ici. » Je ne sais pas très bien où est « ici » tellement la zone sur laquelle il travaille est vaste. « Maintenant que je suis seul, j’ai assez d’argent, mais ce n’était pas assez pour faire vivre une famille. » Grand seigneur, il m’offre un Snickers acheté à la responsable de notre wagon. 

Petrov me demande si je suis mariée. Il m’explique que lui l’a été, mais qu’il est maintenant séparé. Il a un fils, qui a 7 ans, il me montre une photo dans son smartphone. Il a l’air triste. « Je ne gagnais pas assez d’argent, et j’étais tout le temps parti pour aller travailler. Parfois trop longtemps. » Là, dans un juron russe, il maudit ce vieux train qui avance inexorablement. Il ne comprend pas très bien pourquoi je tenais à faire le voyage. 

Ses copains ont ri, lui ont donné une tape dans le dos et lui ont servi une vodka. Et on est tous allés se coucher. 

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