9285 km de lecture

  • Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne
  • La Guerre et la Paix, Léon Tolstoï
  • A ce stade de la nuit, Maylis de Kerangal
  • Freedom, Jonathan Franzen
  • Le portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde
  • Orgueil et préjugés, Jane Austen
  • Un amour impossible, Christine Angot
  • Tout peut changer, Naomi Klein
  • Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, Harper Lee
  • Mauvais sang ne saurait mentir, Walter Kirn
  • Mon traître, Sorj Chalandon
  • Intérieur nuit, Marisha Pessl

A suivre…

Le grand solo

Je suis déjà partie seule. Il y a un an environ, j’ai fait mes bagages pour le Mexique. J’avais besoin de vacances, il était temps de voir des baleines. Je suis allée me paumer à l’extrême ouest du pays, dans un morceau de désert que vient lécher le Pacifique.

Avant de partir, je me suis dit « si tu arrives à faire ça, tu pourras tout faire. » J’ai réussi.
Depuis, j’ai quitté mon boulot. J’ai quitté ma vie pour la renouveler. J’ai pris des billets pour la Russie.

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Rêve d’enfant, rêves d’adulte

J’ai eu un rêve d’enfant, devenir journaliste. Parmi mes rêves d’adultes, il y a la Russie.

Quand je suis entrée au journal, il y a quelques années, des écrivains français ont pris le transsibérien. Certains ont écrit des carnets de bord, Maylis de Kerangal a produit Tangente vers l’est. Elle a romancé le Baïkal, les heures distendues, l’arrivée à Vladivostok…

Il soulève un pan de rideau et jette un oeil à travers la vitre, côté couloir. Dehors, c’est toujours la même nuit chromée et le train qui roule sans faillir, franchissant un à un les fuseaux horaires, désagrégeant le temps à mesure qu’il parcourt l’espace ; le train qui compacte ou dilate les heures, concrétionne les minutes, étire les secondes, progresse arrimé au sol et pourtant désynchronisé des horloges de la Terre : le train comme un vaisseau spatial.

Au fond de moi, j’ai su qu’un jour, je prendrai ce train-là. Que je saurai comment mon corps ressent cette traversée, ce que mon coeur en retient.
Au fond de moi, j’ai su qu’il y avait des rêves d’adultes.

Et, logiquement, quand j’ai quitté mon rêve d’enfant, il était temps d’accomplir mon rêve d’adulte.

L’élan

Il y a du temps qui s’étire et d’autre qui passe à toute allure. Il y a des mois entiers à penser un voyage et l’impression qu’il n’arrivera jamais, qu’il n’est même pas réel. Puis il y a des secondes en suspension, des frissons infimes, des basculements intérieurs. Il y a l’élan, celui qui prend au coeur, jamais à la raison, et qui dit : « Ça y est ».

Je pars dans une semaine. Ça y est. 

Un jour, pour décrire l’instant d’avant une rupture, j’ai écrit : « L’instinct se réveille. On ne sait pas d’où naissent ces picotements typiques dans les bras et les jambes, ces prémices à la boule au ventre, ces mécanismes du corps qui prévient que quelque chose va arriver. Ces sensations, c’est le basculement, un vol plané vers l’inconnu. Quelques secondes en apesanteur, pour dire au revoir à quelque chose que l’on connait. »

Le corps du voyage n’a rien de celui de la rupture. Le corps du voyage attend ces signaux, ces trepignations intérieures, mais toujours il prévient que quelque chose est imminent. Toujours, l’instinct se réveille. J’ai des frissons de plaisir et des papillons dans le coeur à l’idée de partir. Ça y est.