Les gares de la nuit noire

J’ai croisé des dizaines de gares. Elles sont le point de frottement entre la vie du train, confinée, délimitée, hors du temps, et la vie extérieure. Sur les quais, le ballet des voyageurs qui arrivent et partent s’effectue sans hâte. A part, le train déverse quelques grappes de silhouettes hallucinées en survêtements et claquettes, parties pour un plus long voyage, qui grillent une cigarette, achètent à manger ou prennent simplement l’air. 

La nuit venue, le train continue sa route. Les gares sont toujours là, et pendant que les survêtements sont endormis, le train s’arrête parfois. Quelques-uns sont arrivés à destination, comme relâchés dans l’épaisseur et le silence de la campagne russe. Ils ont rangé leurs claquettes, remis leur pantalon, leur doudoune et leur bonnet. Replié leur sac et leur tasse à thé. Pour d’autres, le voyage commence. Le train les happe, les enveloppe de sa chaleur rassurante. En silence, ils étendent leur drap sur leur couchette, mettent leur survêtement, et se glissent dans la nuit partagée. 

Au matin, je ne sais jamais combien de gares de la nuit noire nous avons croisé. Je ne sais pas combien de personnes nous avons déposé sur des quais déserts. Mais certains lits sont vides, des visages ont changé. Il faut apprivoiser de nouveaux voisins. Le voyage est si long que rien n’est immuable.

Si ce n’est le rituel, qui recommence. A la première gare du petit jour, les survêtements engourdis viennent déambuler sur le quai, griller une cigarette ou simplement prendre l’air. 

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