plein été

Pierre Michon x The Crayoner

Il y a de jolis coups de tête. On prend des billets d’avion, on tourne le dos, on dit « non » ou on dit « oui », ça marche aussi, on utilise sa monnaie pour des bonbons plutôt que la baguette de pain. Vous savez, on clique sur « envoyer », on jette des trucs, on dit « oui » ou on dit « non », et puis parfois on se fait encrer. Marquer à vie, sur un coup de tête. Parce qu’il y a de jolis coups de tête.

J’écris là-dessus, en ce moment. Qu’il faut réfléchir, peser la vie, flairer l’avenir, j’écris qu’il ne faut pas se faire tatouer sur un coup de tête. J’écris « attention », j’écris « méfiez-vous », moi qui ne me méfie pas, oh non, surtout pas de l’avenir.

Ici j’écris les coups de tête, et puis je les photographie aussi. Parce que je crois à maintenant plus qu’à demain. Et que sur un coup de tête, je peux décider que mes étés seront beaux, que l’hiver hésitera, que l’avenir sera mien.

Si je vous dis de vous méfier, surtout, ne m’écoutez pas.

 

***

Un jour, Pierre Michon a écrit « que dans mes étés fictifs, leur hiver hésite » (Vies minuscules). Il y est question de tomber dans l’oubli, de chercher l’inspiration, de faire ressurgir les corps dans l’écriture.

Et c’est The Crayoner qui l’a inscrit sous ma peau.

le temps


sans lumière de 13h15

Il y a des choses qui prennent du temps. Changer de vie, réparer les cœurs vivants, traverser un continent, écrire un livre, trouver les gens merveilleux. Tout ça, ça prend du temps.

Apprendre, aussi. Comment le tissu tombera le mieux, quand le vent va tourner, d’où l’orage va arriver, si notre monde va trembler. Apprendre à quelle heure le soleil entre dans l’appartement. Apprendre qu’ici, je peux sentir l’odeur de l’herbe coupée.

Il y a des choses qui prennent du temps. Devenir cette petite dame en jupe rose qui balaie le caniveau, ça a dû prendre du temps. Cette photo est le premier cadeau de ma nouvelle vie. Je l’ai aimée tout de suite, je l’ai admirée souvent, je l’ai laissée traîner longtemps sur le bord de ce miroir. Avant d’y toucher, il me fallait apprendre, apprivoiser, laisser faire le temps.

Faire encadrer cette photo, ça m’a pris plus d’un an.